Le poète, la muse et sa copine

"On l'interpréta mal, ou ce fut moi qui ne me l'interprétait pas comme il faut; on dit que c'était une lettre d'amour." 

Rétif de la Bretonne, La dernière aventure d'un homme de quarante-cinq ans, éd. Folio.

Y a rien de plus banal qu’une histoire entre un poète, une muse et sa copine. Surtout quand la copine est un petit peu jalouse. A vrai dire je suis poète à mes heures perdues, et cela depuis pas mal d’années. J'aime trop les femmes, d'ailleurs je me définis comme une lesbienne dans un corps d'homme. J’avais auparavant travaillé dans la publicité, et je passais mes journées à trouver des slogans accrocheurs, des formules chocs, mais au fur et à mesure le métier m’ennuyait. Puis est venue une période de licenciement, et je me suis retrouvé au chômage. Fort heureusement, je n’ai pas qu’une seule corde à mon arc. Et la petite amie d’une des connaissances de mon beau-frère, une certaine Abby m’avait suggéré de déposer mon CV et une lettre de motivation au service administratif de la City. Fille d’origine modeste, son père faisait partie du milieu comme on disait, un complexe mafieux rattaché à certaines personnes haut placées. Londres est une ville qui ne manque pas de ressources, et l’on peut aisément passer d’un boulot à l’autre, même si la situation s’est compliquée depuis le Brexit. Je ne veux pas faire de politique, mais il est clair que pour bon nombre d’anglais cela s’est tendu. Et la communauté pakistanaise, depuis les vagues d’attentats reste au premier plan des ressentiments et des accusations proférées par les identitaires à son encontre. Bien entendu le Londonistan est critiqué depuis longtemps pour son libéralisme, son multiculturalisme, faisant la part belle à ces prédicateurs barbus qui hurlent leurs imprécations du jour du jugement dernier et l’instauration du grand califat en faisant peur la petite ménagère tout effrayée et barricadée dans sa chaumière, ce qui n’arrange certainement pas la situation ; même moi l’ancien fan des mouvements Punk, de Benny Hill, de Queen et de David Bowie, je ne reconnais plus la ville de ma jeunesse. Pour ma part comme la plupart des anglais d’origine pakistanaise, je suis un pur produit de la réussite de l’intégration et de l’éducation à l’anglaise, malgré la ségrégation spatiale et le communautarisme. J’ai fréquenté les meilleurs établissements scolaires. Mon accent est parfait, et je jouis d’un habitus qui ne ferait en aucun cas rougir les classes sociales les plus aristocratiques. On me prend parfois pour un Lord, les chaussures toujours cirées, et le costume d’une certaine facture. Le teint plutôt clair contrairement à mes coreligionnaires, ce n’est qu’à l’annonce de mon prénom et de mon nom que l’on comprend que je suis d’origine indo-pakisatanaise. Quoi qu’il en soit, revenons à mon embauche au Mac Grégoire Office, et à cette très chère Abby. Je sais que je lui avais fait le plus bel effet, de part mes origines pakistanaises. Cette dernière m’a en effet introduit dans ce gigantesque labyrinthe de bureaux, disant qu’elle était ma belle-sœur, même s’il est vrai que nous ne connaissions à peine. Vus mes diplômes universitaires et ma maîtrise de la langue, mon embauche n’a été qu’une formalité. Je me suis retrouvé alors au secteur B, spécialisé dans le tri et la reformulation des courriers retournés du service crédit consommation, souvent des mécontentements. Bref, le tralala administratif habituel.

Cependant, ce qu’il y avait dans cette aile du bâtiment, c’était la prédominance de collègues femmes. Et il est vrai que vu mon tempérament de rêveur, et mes aspirations artistiques, beaucoup ne me laissaient pas indifférent. Notamment une certaine Claudia, qui avait un truc, un charme peu commun, comme une de ces filles sortie des contes de fées et de princesses. Non pas qu’elle fût du genre précieuse, mais sa tenue, son maintient, et son allure lui donnaient un air des plus romantiques. Un peu comme ces femmes de l’époque Victorienne, sainte-ni-touche, pleine de principes. En somme une classe naturelle. D’autant plus qu’elle avait un réel don pour le dessin au crayon et la peinture. Pour ma part, j’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour les personnes sensibles à l’art. Et il nous arrivait autour de la machine à café de changer des avis sur le sujet, et les tendances artistiques du moment. Il est clair que ce métier n’était qu’une transition. Ni moi ni Claudia, ni aucuns d’entre nous se voyait y passer plus de cinq ans.

De plus, elles savaient toutes que j’étais encore marié, et que j’ai des enfants. Ma femme Ramsha me préparait tous mes repas indiens, et toutes mes collègues raffolaient de cette attention et de ces odeurs si appétissantes, « Oh ! Zain tu as bien de la chance, ta femme est aux petits soins avec toi » me disaient mes collègues. Mon ex-femme est un vrai cordon bleu. A l’époque nous étions encore ensemble. Et je passais pour un homme stable et entretenu. Et souvent avec mes collègues on parlait des relations hommes femmes, et elles ne se gênaient pas de savoir combien de fois nous faisions l’amour. Et moi de mon côté, je leur avais avoué mes infidélités, et mes aventures notamment dans le métier de la publicité avec ces mannequins qui traînaient dans les coulisses. « Oh ! Zaïn ! ça se voit que tu aimes les femmes… ». Je leur assurais que loin d’être un pervers, j’étais un sentimental doublé d’un romantique, et que loin d’être un pornographe j’étais plutôt un esthète amoureux de la beauté des femmes. Et que si j’utilisais la pornographie dans certains de mes poèmes c’était pour mieux la dénoncer. Quoi que je dise, j’étais le seul mec de l’équipe, et j’endossais le rôle du salaud. « Ouais les mecs vous êtes quand même des chiens. On ne peut pas vous faire confiance » assénait Abby, qui avait l’habitude de tracer ses amants à travers les SMS, les réseaux sociaux. Et toutes mes autres collègues n’en pensaient pas moins. Pourtant, Abby aussi de son côté trompait ses conquêtes sans vergogne. C’était l’hôpital qui se foutait de la charité. Et comme tous les couples, j’étais moi aussi victime de la routine, des rancunes et des colères répétitives de ma femme suite à mes infidélités ; de plus, nul n’était censé ignorer mes problèmes financiers, avec toutes mes histoires de dettes, le train de vie lié à notre statut de classe moyenne, et les écoles privées et les activités des enfants. Bref, le quotidien de bons nombre de familles. Parfois, on se retrouvait aux soirées organisées par la boîte, afin d’augmenter la cohésion des équipes et la complicité pour l’émulation collective. Abby et Claudia étaient de bonnes copines, et Abby avait le sens de la fête et du délire, ce que Claudia n’avait pas, tenue par une certaine réserve naturelle. Ce qui faisait son charme d'ailleurs. Son éducation bourgeoise lui avait laissé une certaine rigidité, un mystère. Abby lui permettait donc de rigoler, voire même de se lâcher juste un peu. De plus, Abby a toujours été attirée par les escrocs, ces traders de la City qui sont tous passibles d’un jugement au pénal : le gratin de la mafia financière ! Elle aime mener un certain train de vie. Mais je dois l’avouer, à maintes reprises elle nous a fait profiter de son loft en centre-ville, et du cottage que l’ami de mon-beau frère d’origine pakistanaise avait acquis à quelques kilomètres de la capitale. Bien entendu tant qu’elle était avec lui. Par la suite elle avait rompu avec lui, et s’était mise avec un certain Ali, un autre pakistanais d’origine, connu dans le milieu pour être gérant de plusieurs casinos et son goût immodéré pour les petites blanches. Il croupissait en détention provisoire pour une affaire de blanchiment d’argent. De toute façon Abby a toujours aimé les pakistanais ou les jamaïcains. Elle déteste les blancs, cela la renvoie à sa couleur, à ses complexes de blanches. Et si les gars sentent le souffre, l’argent gagné de façon frauduleuse, elle en ressent davantage une excitation indicible : la jouissance que procure le pouvoir. Claudia aussi était impressionnée par sa collègue de boulot, et je voyais dans ses yeux une forme d’admiration, imaginant cette vie qui n’était pas la sienne. D’autant plus qu'Abby faisait sans cesse l’éloge de la culture et de la cuisine pakistanaise, et de son nouveau mec qui avait ouvert un obscur hôtel, pour ne pas dire maison close, et quelques bars çà et là, où les parties de poker et les trafics en tous genres pullulaient. Abby enviait ces jolies filles de Bollywood et leur façon de chanter et de danser, voulant leur ressembler en faisant usage d’UV. Pour ma part, l’intérêt à la culture de mes parents est quelque chose de flatteur, mais comme j’y ai baigné depuis ma tendre enfance, cela ne me procure pas l’exotisme d’une belle anglaise libre de tous ces protocoles, et ces conventions sociales. D’ailleurs Sinead O’Conor a toujours représenté pour moi la femme de mes rêves, un peu mystérieuse, ténébreuse, gothique. Il est vrai que Claudia avait ce côté mystérieux. Quant à Abby, elle s’amusait même à vouloir apprendre notre langue, et quelques usages islamiques. Elle voulait même une traduction du Coran. Et puis Claudia n’avait pas renouvelé son contrat, elle est partie se lancer dans une carrière de peintre. Et je demandais de ses nouvelles auprès d'Abby. Je savais que Claudia était très réservée, mais j’avais réussi à lui faire part de mon blog, et de mon inclination pour la littérature et la poésie. Quelques mois plus tard, Claudia m’avait fait part d’un Concours de poésie dans le cadre d’un Festival, et m’avait donné les coordonnées pour pouvoir m’y inscrire. Et moi de mon côté, je lui avais fait part de la création de mon blog.

Salut Claudia,

Comme tu fais partie de mes premiers lecteurs, voici mon Blog où tu peux lire tous mes poèmes.

Bonne lecture, merci Claudia A +

 

C’est super Zain !!! Je vais regarder ça avec plaisir !

J’espère que tout va bien pour toi !

Merci

Claudia

 

)) Et n’hésite pas à partager si ça te plaît.

Encore merci

Je te dédicace un poème que je vais intituler Le petit chaperon rouge… J’espère que tu ne seras pas fâchée…C’est l’inspiration du poète au souvenir de la muse… Sinon je suis dans une période de séparation… Et je crois que je ne me gêne plus de dire ce que je pense ou ressens… Je me lâche… C’est ce qu’on appelle en psychanalyse le ça ou l’instinct primaire

Puis un après-midi au bureau, Abby sur son poste reçut un message de Claudia, et elle s’exclama « Oh ! Tiens un message de Claudia ! C’est bizarre, ça fait longtemps que je n’ai plus eu de nouvelles d’elle. Elle me dit, j’ai des choses à te dire, rappelle-moi ce soir. Ah oui ? Intéressant. ».  Abby ne se rendit même pas compte qu’elle parlait à voix haute. Et je savais que c’était lié à mon poème Le petit chaperon rouge, et il est vrai que dans la description de ses cheveux et de ses tâches de rousseur, dans ses postures, dans les courbes de son corps, il y avait un aspect très érotique. Mais surtout, je voulais faire éloge de sa beauté, de sa classe. J’étais tellement heureux de l’enthousiasme que les points d’exclamation de son message avaient suscité en moi, me touchant droit au cœur ; qu’en digne poète que je suis, je m’étais aussitôt empressé de lui faire un hommage. Quelle ne fut pas mon erreur! Et le lendemain au bureau, Abby me regardait en biais, comme un criminel, sans rien me dire. Et je lançais au hasard, « Alors cette discussion ? ». Faisant allusion à son échange avec son amie Claudia. Je me demandais ce qu'Abby avait bien pu lui dire. Elle s’écriait, « Mais qu’est-ce qu’il a Zain ? Il me pose une question et je ne comprends rien à ce qu’il me dit. Décidément Zain tu es toujours aussi bizarre. En ce moment tu ne parles que de sexe. Tu es en manque ou quoi? Et ces étudiantes que tu as dragué ce weekend, t'ont redonné le sourire. » Abby me dévisageait avec sa jupe courte et ses tatouages sexy sur ses cuisses. Et de mon côté je n’hésitais pas à taquiner mes collègues de boulot sur leurs charmes, et à faire comprendre à qui voulait l’entendre que depuis les démarches de séparation avec ma femme, je me sentais libre. Et en effet, j’étais prêt à faire des poèmes même aux chats de la voisine. J’avais même eu l’outrecuidance d’ajouter à Claudia par SMS,

Je dois encore t’avouer que mon seul but n’était pas de faire lire mes écrits à telle ou telle autre collègue (en effet par fichier joint je leur avais fait part de quelques poèmes)… Mais dès le début cela t’était destiné… Et toutes mes manœuvres étaient faites pour attirer ton attention… Je sais tout cela n’a plus aucun intérêt sûrement… C’est du passé… Mais c’est gratuit… Au pire c’est touchant et ça me fait plaisir d’avouer tout ça (je le reconnais après coup, la formulation est pour le moins maladroite)… Comme un dernier lancé de balle…

Qu’elle ne fût pas la réponse de Claudia !

Je vais devoir pour continuer à filer la métaphore littéraire. Mettre les points sur les I et les barres sur les T. Mes silences ne sont pas des aveux, mais bien du désintérêt. MAIS Là, je ne vais tolérer davantage ce déballage sentimental des plus malsain !!!! Je ne supporte pas que tu t’autorises à reprendre ce surnom du petit chaperon rouge que m’ont donné les collègues du boulot, notamment les cadres pour l’assimiler à tes écrits avilissants. Nous ne nous connaissons pas, nous avons juste été collègues pendant quelques mois. S’il te semble que j’ai pu manifester un quelconque intérêt à ton égard, sache que c’était par pure politesse professionnelle ! Je ne pense pas que nous ayons le moindre intérêt à garder contact, surtout au vu de la tournure que cela prend pour toi ! Je tiens quand même à préciser que tes écrits me concernant « poèmes » ou mails n’ont rien de touchant, je ne veux pas connaître tes sentiments, cela ne m’intéresse absolument pas, et parasite mes journées !!! Ta démarche est purement égoïste, si vraiment tu nourrissais un intérêt sincère pour ma personne, tu t’abstiendrais de déverser toute ta sensiblerie, par mails privés ou sur les réseaux sociaux, surtout au vu de mon absence de réponse, qui révèle bien mon malaise ! Ta vision de la femme est très limitée. Nous ne sommes pas juste des corps-objets, nous avons toutes des personnalités différentes, des visions de la vie, une façon d’aborder le monde, une intelligence singulière. Cela est complètement omis dans tes écrits, pour la simple et bonne raison que pour ma part tu n’en as pas la moindre connaissance, et pour cause, nous avons tissé aucun lien. Je veux bien entendre que ta rupture, te laisse dans un état préoccupant, mais ce n’est pas mon problème et ce n’est pas à moi de le gérer. J’ai eu part de ta dernière publication sur les réseaux sociaux me concernant, c’est du délire effectivement, je suis majeure, mais tu pourrais être mon père !!! Je t’enjoins donc à retirer l’ensemble des écrits me concernant des pages publiques où tu as pu les poster. Et à ne plus en publier aucun me concernant. Même par simple allusion !!!!!!! Je t’interdis également de tenter de communiquer avec moi par quelques moyens que ce soit !!!!!!!! Je vis ça très mal comme une forme de harcèlement et je ne tiens pas à devoir m’adresser aux forces concernées pour régler cette situation !!! Je n’ai ni de temps ni d’énergie avec ça !!!

Suite à ce message, les bras m’en sont tombés. Mais je n’avais pas compris pourquoi un tel degré d’hystérie. Peut-être était-ce lié au #balancetonporc? Je savais qu'Abby était une experte en réseaux sociaux, et qu’elles ont dû aller sur mon profil. Peut-être était-ce la femme sexy qui illustrait mon site qui avait heurté Claudia. Je ne sais pas ce que Abby lui a dit. Quoi qu’il en soit, son prénom et son nom n’apparaissent nulle part dans mes écrits, et personne ne peut savoir que c’est elle. Le petit chaperon rouge faisait référence à la petite fille du fameux conte, et en effet elle est loin d’être majeure… je ne voulais pas passer au surplus pour un pédophile, d’où la précision de sa majorité. Je réalisais avec effroi que les réseaux sociaux étaient des machines à quiproquos. Bien entendu j’ai mis au parfum Abby de cette mésaventure, qui a fait celle qui était faussement surprise « Ah ouais ? Ça me surprend de Claudia ». Je lui ai même déclamé le poème, elle avait les yeux rougis par l’émotion. Et je lui ai dit que je pouvais en faire autant pour elle, ou chacune de mes collègues. Et je lui ai dit qu’il me fallait juste me concentrer et l’inspiration pouvait venir, à la vue de leurs cheveux, de leur personnalité, de leur beauté. Et  Abby de me dire : « Y a intérêt ! J’espère bien que tu m'en feras un »… Et puis Abby de rajouter, « C’est bizarre, qu’est-ce que tu as pu dire à Claudia qui la mette en colère à ce point. Et puis en effet, il n’y a rien de grossier dans ce que tu lui as écrit ». Et moi j’ai enfoncé le clou, « Avec tout ces points d’exclamation sur ses SMS, une vraie hystérique… J’ai même envie de dire, ça fait un peu nana frustrée ». Abby a opiné du chef et haussant les épaules comme pour dire « Peut-être bien ». Et j'ai ajouté, « Toute la ville est corrompue, entre les trafics de drogue, le banditisme, le proxénétisme, et Claudia veut m'envoyer les flics pour harcèlement tout ça parce que je lui ai fait un poème! C'est dingue!». Ça faisait bien marrer Abby, qui faisait la fausse comme si elle n’était au courant de rien, comme si elle n’avait jamais discutée au préalable avec Claudia. Et Abby de bonne humeur, elle nous proposa à toutes les collègues et à moi de nous faire à manger. Tout le monde fut surpris. Le lendemain Abby me prépara des cannelloni un peu brûlés bien sûr, pâtes avec poivrons et viande hachées ; une entrée au thon macédoine, et un gâteau au chocolat. Pour plaisanter je lui ai dit, j'espère que tu n'y as pas mis un philtre d'amour ou du poison. Toutes les collègues du boulot s’exclamèrent : « Oh mais tu es pistonné Zain ! Abby est au petit soin avec toi. » Et je vis sa satisfaction sur son visage, Abby jubilait de plaisir. Peut-être avais-je un peu trop dépassé les limites en avouant à Claudia que j’aurais aimé être le méchant loup reniflant sa rousse chevelure, et sa peau d’albâtre. Mais bien entendu, tout cela dans l’esprit du conte, et puis qui a dit que la poésie ne devait pas être dans l'excès? J’ai répondu à Claudia, face à l’étonnement d’une telle réaction disproportionnée :

Les dernières remarques que j’ai à te dire, c’est que ce poème se voulait être un compliment. J’ai toujours considéré que tu es une belle personne. Même si je sais que tu as quelqu’un dans ta vie. C’était pour te remercier de ta gentillesse de me lire. Et être croquée comme pour un dessin ou un tableau. J’osai imaginer que pour quelqu’un qui a fait les Beaux Arts, tu pouvais comprendre. J’osai espérer que cela allait te flatter, sachant que je n’attends. Rien de toi ; tu as été une muse, et l’inspiration est venue à ton souvenir. Bien sûr je rajoute du sentimentalisme, c’est la poésie qui veut ça. Quant au site si j’y ai mis des photos sexy. C’est pour faire plus d’abonnés. Et ça marche ! Et sur les réseaux sociaux je ne suis pas ami avec les collègues du travail contrairement à certaines de nos collègues. De plus il n’y a que toi qui sais que ce poème t’est dédié. Une sorte de compliment et d’hommage à ta personne et à ta beauté. Faut arrêter la paranoïa. Décidément je réalise en effet que tu ne me connais pas. Et ça me déçoit un peu. Tant pis. Biz, sans rancune. De toute façon c’est connu, les artistes sont des incompris. Bon voilà j’ai tout dit. Et maintenant c’est un poème ou une réinterprétation du fameux conte du Chaperon rouge avec des effets de style.…. Avec le côté œdipien du loup… Ou le problème avec le père… Bref, un truc psychanalytique qui s’inscrit dans mes sales écrits… Pas pour rien que je kiffe Bukowski… Bref, je te souhaite bonne continuation dans ta vie… PS, Quand je parle de mes silences sont des aveux, ce sont les miens de silence pas les tiens. Parce que c’est moi qui a eu la mauvaise idée de tout avouer.

Et le soir même mon fils aîné tirait la gueule. Et je lui ai demandé, « Qu’est-ce qu’il y a fiston ? ça va pas au Collège ?

_Ouais.

_Qu’est-ce qu’il y a ?

_Je ne parle plus aux filles de ma classe, elles me font toutes chier. Ouais Léa me fait la gueule.

_Ah bon, pourquoi ?

_ Je sais pas, c’est Max mon pote sur Snapchat qui lui a dit que j’ai dit des trucs sur elle…

_Et elle le croit ?

_Ouais.

_Max, tu veux dire ton pote de criquet ?

_Ouais…

_Il n’était pas l’ex à Léa ?

_Si.

_Elle demande des informations à son ex, plutôt que de savoir directement qu’elles étaient tes réelles intentions ?… Tu veux que je te dise fiston, quelqu’un qui passe par un intermédiaire sans savoir qui tu es vraiment et ce que tu penses vraiment, ne mérite pas d’être ton ami ou d’avoir la moindre attention de ta part. Des fois on veut être gentil et ça se retourne contre soi. Tout ce qu’on a pu écrire est interprété, déformé… Et puis, n’oublie pas que Max est issu d’une famille bourgeoise anglaise de souche, et qu’il existe un rapport de classe implicite. Tu es un pakistanais d’origine modeste que tu le veuilles ou non. Tes amis ne sont pas du même monde que toi. Et tous les clichés que les pakistanais sont des machos, qu’on perçoit les femmes comme des objets, tu n’as pas fini d’en entendre parler.

_Mais Pa c’est la publicité, c’est la télé qui donne cette image de la femme.

_Oui je suis bien placé pour le savoir, plus de dix ans que j’ai travaillé dans la pub. (Je ne pus m’empêcher de repenser à cette mannequin albanaise avec laquelle j'avais trompé ma femme). Bref, fiston ne te casse pas la tête. Bonne nuit fiston. Un jour ou l’autre tu rencontreras une gentille fille qui te comprendra, et qui te remerciera pour ta gentillesse, et celle-là ça sera la bonne. Ah les femmes ! Tu verras c’est tellement compliqué ! »

Et puis j’avais envie de dire à mon fils que j’avais écrit un poème à une ancienne collègue et que malgré mes 45 ans, j'étais au même point que lui... Puis je suis allé me rendormir, et j’étais pris d’un fou rire: j'attendais juste un "MERCI de cette attention portée à ma beauté. Mais mon cœur comme tu le sais appartient déjà à un autre " de la part de Claudia, je ne la demandais pas en mariage que je sache! Tout cela était tellement ridicule, mais tellement instructif sur la complexité des rapports humains. Et puis je repense à cette jolie brune du bureau d'à côté avec ses clignements de cils comme des colibris, et à l'espagnole sexy du bureau des archives, ou encore la jolie documentaliste, ça mérite plein de poèmes, Ah ah ah ah ah ! Et pourquoi pas un rencard avec Abby ou l'une d'elles? Un cinéma pour commencer? 

 ZAHRA DJAM  

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