Interlopes... Nous autres barbares romanisés... poème de Zahra Djam.
22 oct. 2018Interlopes…
( Nous autres barbares romanisés…)
Sur la route...
J'en ai fait de la route
Non pas en Amérique.
Beaucoup en France, en Europe et un peu en Afrique.
Vu toujours les mêmes paysages
A différentes saisons
Pour différentes raisons
Les gens jamais les mêmes…
Comme dans un labyrinthe, un film sans fin...
Une abeille enfermée dans un verre
Dans un rayon de 20 kilomètres durant des années
En somme un petit bout de terre
Et maintenant… Le poète est libre par l'esprit…
Toujours cette même faim
Il côtoie l'infini
Enfin sorti de sa prison...
N'est-ce que fabulation ou réalité? Peut importe…
Quelle que soit la porte…
A trainer au hasard vers les chichas ou ces bars et tous ces endroits malfamés.
Que l'on associe à tous ces négros, ces bougnoules et autres métèques
Tu vois les genres à se faire refouler de discothèques
Dont je suis le digne et fier héritier
En attendant…
Volutes de haschisch ou petit verre d'absinthe alcoolisée
Pour oublier que l'on a atteint le fond
Comme les pansements sur des plaies qui n'ont pas fini de cicatriser
Ah! Ah! Ah! Quel brouhaha
Qu'on entend cahin-caha
Rencontre avec une sorte de Nausicaa
Dans le tumulte de la mer ouvrant ses bras...
Comme des poissons à tourner en rond
Ma passion n'est pas que jazz, mais plutôt un mélange d'électro fusion
De la world musique avec de jolies filles en bikinis sur les plages
Me transportant dans de lointains horizons.
J'ai aimé moi aussi. Je ne sais plus. Peut-être en vain.
Je ne suis pas à Ozone Park dans la 115 ème rue
Même si on a envie de putains et de mauvais vin
Non, ce n'est pas la beat génération
Mais je suis un de ces enfants de la dernière vague d'immigration,
Celle que l'on soupçonne toujours de tomber dans la radicalisation.
Mais qui nous connaît vraiment? Nous les enfants de Coluche, de Balavoine
Et toutes cette génération de fans contestataires…
Plus de guerre froide ou de Maccarthysme mais l'esprit est resté le même: la même fabrique de l'ennemi. Non ce n'est pas la faute à Voltaire!
Mais celle de leur prétendu choc des civilisations…
Tout ça pour des histoires de pétrole et de pognon...
Abracadabra! Des rives de Cuba
Jusqu'au palais de l'Alhambra
Envoûtement d'un macumba
Comme le sortilège d'un sorcier d'une vieille Médina
Je suis un poète à la marge, le teint un peu basané, mes origines berbères, ceux qui avaient fait un tour jusqu'à Poitiers.
Mais le combat est le même que Rosa Park, les bus ne sont certes plus réservés, pourtant les réseaux et le capital social ne sont accessibles qu'aux initiés
Nantis, fils de bourges, et autres hédonistes destroy, genre de faux dandys estropiés.
Pendant ce temps les clichés font la hagra (l'agression) dans les médias: dans la ligne de mire tous ces territoires dits perdus, interlopes.
Non je ne suis pas aigri, mais c'est juste un constat.
Pour quelques grammes de cocaïnes, vente d'armes, le business tue. Sur fond de musique Pop.
Un mélange entre le derbouka
Et une vieille harmonica
Une femme en burqa dansant la salsa
Un chroniqueur de malheur tel un Drumont prophétisa
Le Grand Remplacement et toute la smala
Et moi dans tout ça...
Je ne suis qu'un fils d'ouvrier. Au Bled on me connaît sous la lignée des Ben Mohamed Ben Ahmed Ben Moussa de la tribu des Bouroumia ou fils de la romaine.
Non ce n'est pas ma cité va craquer ou la Haine.
Au contraire, bienvenue! je vous sers le Bérade d'Ataye et Harcha (Théière pleine de thé et de la galette de blé). Elevé à la dur dans le respect. La crainte de l'impur et tout le tralala je connais.
Aujourd'hui l'islamité est comme le préservatif de nos bonnes consciences
Les masques sociaux de nos vertus idéalisées.
Des bigots ou plutôt des loups déguisés en agneaux. La religion réduite à une succession d'interdits, qu'ils appellent de la science.
Valeurs souvent en partance… en absence…
Ne reste qu'une forme de puritanisme
Non cacher ce sein que je ne saurais voir
Ce social et économique misérabilisme
Tut, tut, tut, tut… Tut, pas de tonalité...
Allô?! Y a quelqu'un? Juste des ombres…
Finies les classes sociales, la mort du marteau et de la faucille.
Où est la Rahma (Miséricorde) et la sociabilité?
Ces manifs cette solidarité ça donnait envie
Maintenant Zahma (soi-disant) ils te donnent des leçons de moralité.
Avec leurs réformes et leur austérité.
Zut! Dans leur tête et sur leurs écrans qu'est-ce qu'il fait sombre…
Ne brille que les écus sonnants et trébuchants
Et tous leurs billets aux prix de taxes et de saignements
Chacun se calfeutre dans des images préfabriquées. Du Gangsta Rap aux films de trafiquants surexcités, comme Pablo escobar mort défenestré.
Ou du biopic de ces hommes d'honneur qui ont fait la République
Pour mieux les fouler comme sur des vieux paillassons, à s'essuyer
Loin de nos souvenirs, nos grands-parents debout et fiers.
Fellaheen (comme les écrivait Jack Kérouac) qui accueillaient le Barani (l'étranger) avec le sourire et la rezza (coiffe enroulée sur la tête, ou mousse de thé dans le verre).
Dans l'attente du muezzin, de la Fana ou le nirvana.
Appelant Allah, Muhammad, Jésus, ou Bouddha
Elévation spirituelle sans amphétamines. Juste de l'eau du sucre et du na3 na3 (menthe).
Ces chibanis (anciens) aux mains usées par la tamara (galère) de toutes ces années.
Comme ceux broyant Al-Louse (l'amande) et le Garga3 (noix)
Je ne suis pas un enfant du siècle comme Alfred de Musset: l'arrogance de la jeunesse mêlée à la suffisance d'un vers bien tiré… Ou peut-être si, en effet.
Même si je suis à mon crépuscule...
Les articulations enflammées et les cheveux grisonnants
Rêvant toujours d'éditer un opuscule…
Le cœur toujours aussi passionné et les yeux rêveurs d'un adolescent...
Ce qui est sûr, je ne suis pas un rentier, tout au plus un salarié
Qui rêve d'être assisté, et lorsqu'il l'est on le traite de parasite, de profiteur…
Jean Jaurès est bien mort! Mai 68 aussi! Ne reste que les menteurs...
Pff! Ces mêmes politiciens qui prétendent donner l'exemplarité
Cette bande de corrompus, de vrais fossoyeurs !
Et qui pour le coup niquent bien la France et tout ceux qui cotisent
Pour avoir de tels représentants! Quelle sottise!
Et pendant ce temps les petits dealers vont en taule.
Pendant que les vrais escrocs en costard cravate, financiers et autres politiciens s'en mettent plein les fouilles
Alors que les fachos obnubilés par le Grand Remplacement rêvent de Napoléon, de Pétain et du général de Gaulle.
Il y a tant de haine et de joie dans cette foule
Dans toute cette masse composée de millions de voix (es)
Ceux qui votent extrême droite et d'autres pas
Il y a tant de couleur et de diversité
Et moi dans tout ça...
Pourtant je suis un fils et citoyen de cette République…
Pas un de ces aristocrates d'Athènes
N'en déplaise aux nouvelles lois de Périclès
à tous ces obsédés de l'Oïkos ou de la Gentes
Non je ne suis pas considéré comme un Homoioi
Juste peut-être un genre de Mothakes
Un nouveau Spartacus prêt à rompre ses chaînes…
Des types comme moi ont remporté
La coupe du monde et soulevé au milieu de l'arène
L'étendard de nos couleurs, Liberté, Egalité, Fraternité…
Rome la grande Rome portée à son apogée
D'aucuns y voient le déclin et l'afflux des barbares romanisés
Mes grand-parents étaient les tirailleurs africains morts sur le champ d'honneur...
Et pourtant on verra toujours avec méfiance ces territoires dits sensibles…
Comme si n'était réservé l'Histoire qu'à la mémoire des vainqueurs
_Pas de ceux qui étaient et sont dans le viseur comme cibles_
Qu'à une certaine caste… Heureusement que personne ne peut acheter la vérité et l'honneur…
Mieux vaut nos interlopes et autres territoires perdus de la République
Que vos salons vos mondanités et vos hypocrisies médiatiques…
Maintenant, je prends la route du paradis…
Tout comme Pascal j'en fais le pari…
En espérant que les derniers seront les premiers
Comme ces millions de clochards célestes
Qui trainent tout comme moi
Sur la route…
Trimbalant leurs sacs, leurs casseroles et tout un orchestre
De désillusion, de regrets, et d'espoirs...
Toujours à la recherche du bonheur…
Comme disait l'autre Etre ou ne pas être…
Vous nous achèterez pas avec votre putain de fric...
Car le paradis n'est que l'amour
Et ça n'a pas de prix...
Vous pourrez toujours tourner autour comme des vautours
Et s'il n'est pas en nous, alors que reste-t-il?
Juste des chimères puériles…
Des chimères puériles…
Chimères puériles…
Puériles...
Zahra Djam