Taxi Writer

 

"C'était une merveilleuse nuit, une de ces nuits comme il n'en peut exister que quand nous sommes jeunes (...)" Dostoïevski, Les Nuits blanches

 

Je ne suis pas un chauffeur de Taxi comme les autres. Certes, la plupart du temps je suis là à attendre le client, mais en réalité dans ces moments de solitude sur mon petit calepin j’écris  tout ce qui me passe par la tête. Parfois je prends même mon ordinateur portable, quelle invention formidable ! Mon métier ne me permet pas d’excès, je ne bois pas comme Bukowski,  juste de temps en temps un petit verre, j’évite aussi de fumer dans la voiture car ça laisse une odeur désagréable, et les clients même si certains sont fumeurs n’apprécient pas l’odeur du tabac froid, ce que je comprends. Comme je suis insomniaque je travaille la nuit, ou plutôt comme je travaille la nuit, je suis insomniaque. Ça dépend dans quel sens on prend cette phrase, ou dans quel sens on prend la vie. J’aime la nuit. C’est un autre monde, où l’âme humaine montre ses failles. Peut-être est-ce lié aux contes que l’on nous racontait avant de dormir quand on était enfant. Ce côté magique et féerique de la nuit. Les femmes aussi paraissent plus belles, plus mystérieuses. Je les aime, mais j’aime vivre seul dans mon appartement, la solitude est ma plus fidèle compagne. Les femmes ne doivent me donner que les plus beaux moments, les plus beaux côtés, la romance. En ce moment lorsque je n’ai pas d’inspiration je lis les Nuits blanches et Le Sous-sol de Dostoïevski. Je ne sais pas pourquoi ça me réconforte. Peut-être aussi pour mieux supporter ma solitude et m’inspirer de ce génie de la littérature russe qui a pondu Crime et Châtiment,  et réussi à s’affranchir de l’influence de Gogol ou de Dickens, pour trouver sa signature… J’essaie tant bien que mal d’oublier mes modèles américains, Salinger, Miller, Fante, Roth, Bukowski… « Cherche ta voie ! », dirait maître Yoda.  Putain je délire. Je suis un rêveur, je ne suis pas un homme, mais une espèce de créature neutre. Je suis collé dans mon coin, sur mon volant, comme un escargot. Je crains les hommes et ne sais comment me comporter avec eux. Cela est certainement le fait de mon éducation. Je ne crois pas au mal absolu, ni au bien absolu d’ailleurs. Je crois que l’Humanité est anarchiste puisque il n’y a pas un homme ou une femme qui pense pareil. Je n’aime pas être dérangé. J’ai été en couple, avec une chouette fille, mais ça s’est transformé en cauchemar. Vivre au quotidien c’est comme voir un spectacle et ce qui se passe derrière dans les coulisses, l’envers du décor. Il n’y a plus de mystère, plus de magie.

Parfois j’aime me comparer au type de Taxi Driver de Martin Scorcese, non pas l’acteur, pas De Niro, mais plutôt Travis Bickle genre d’ancien Marine qui n’a pas su se réintégrer à la société. En somme, Rambo dans l’enfer de la jungle New-yorkaise. Quant à moi je ne suis pas jusqu’au-boutiste comme ce taré. Même si parfois dans mon esprit, comme tout un chacun, je peux aller à des extrêmes. Il m’est arrivé parfois de prendre des types chelous, comme si on leur avait couru après. On dirait toujours le même type inquiet, haletant, regardant partout comme un fou, et jetant une liasse de billet : « allez ! Démarre ! Démarre ! ». La même rengaine, réplique d’un film sans fin. Coupez ! C’est parfait c’est dans la boîte ! Je démarre bien entendu en trombe, faisant siffler les pneus comme dans les séries américaines. Je ne pose pas de questions. Parfois j’imagine que c’est un amant qui a sauté par la fenêtre de sa maîtresse de peur d’être tué par le mari, d’autres fois que c’est un règlement de compte entre dealers, ou un braqueur qui vient de cambrioler la bijouterie du coin. Et si c’était un terroriste ? Je préfère ne pas savoir et me dire que ce ne sont que des spéculations. Et puis, parfois poser trop de questions ça peut se retourner contre soi, surtout si l’on devient un témoin gênant, et je n’ai pas envie de finir dans le coffre, même si ma voiture est très propre dans tous les recoins, un truc de maniaque. Par déformation professionnelle mon appartement aussi est digne d’une clinique aseptisée. Mes ex n’étaient pas rassurées, ça faisait un côté Dexter, le tueur en série. Trop clean pour être honnête. Mais je déteste les mauvaises odeurs, les choses répugnantes du quotidien, d’ailleurs, il y en avait une qui n’arrivait pas à se tenir correctement à table ou dans le lit, pétant à tout va, ça n’a pas duré. Une mannequin russe si je me souviens, le type de fille à faire crouler les montagnes sur son passage. Une bombe anatomique, une bombe atomique, mais à force d’être aussi bombesque, il fallait bien qu’elle dépressurise. Mais les mélodies de flatulence, pas pour moi, même si son rire était fantastique, et sa bouche divinement belle. Tous ceux qui l’on croisé en sont tombés amoureux, mes rares potes n’en reviennent toujours pas que j’ai pu lâcher cet ovni de la création. Une fusée qui vous amenait illico au septième ciel rien qu’en la regardant. Et au lit, une furie. Mais les pets c’est pas mon truc. Pourquoi est-ce qu’elle n’arrivait pas à se contrôler ? Peut-être à force de pratiquer l’anal… ça me laisse songeur je l’avoue.

Bref, le matin quand j’ai fini, ou parfois avant de partir au boulot, je broie du noir en regardant ces vidéos pornos machinalement, sans éprouver la moindre envie. A force de rendez-vous et de relations sexuelles via Tinder, Badoo et autres sites de rencontres, sans parler d’escort-girl qu’il m’arrive parfois de ramener à l’hôtel, je suis arrivé à un stade d’épuisement du désir. C’est juste des corps, des morceaux de seins, de sexe, de bouche, des images sans aucun sens, comme des automates, et les sexes comme des coups de pistons. Moi-même tel une machine, je fais avec ses partenaires sexuelles les choses machinalement, cent fois vues et rebattues, jusqu’à en perdre mon identité, et toute sensibilité, et toujours ce besoin de voir les choses du dehors. Je n’arrive pas à fermer les yeux et ressentir le plaisir intérieur, comme si j’étais étranger à moi-même. Comme un goût amer l’absurdité de la copulation, et bientôt le dégoût, me monte à la bouche. J’ai l’impression d’être un de ces androïdes comme dans Blade Runner de Philip K. Dick, et encore j’ai l’impression qu’ils ont plus de sentiments que moi. Je n’éprouve plus aucune empathie surtout depuis cet épisode avec Sonia Rodriguez. Parfois, j’en arrive à leur faire mal, et elles peuvent me supplier d’arrêter, mais rien à faire, ma bite en furie tape comme un marteau piqueur. C’est de les voir souffrir que je ressens une étincelle de plaisir. Quelque part je mets en pratique les scènes Sadiennes sans le savoir. Comme si je voulais à force d’intellectualiser la chose, afin de produire à mon tour plusieurs formes de littérature, me départir du côté cérébral de ma personne, pour laisser le ça ou l’instinct primaire de mes pulsions me dominer jusqu’à perdre tout contrôle. Non je ne suis pas un violeur, la partenaire est consentante et elle sait ce que j’attends, voire en redemande et toujours plus fort. Parfois c’est la même que je recontacte, sinon elles refusent de me revoir. Je n’arrive pas à oublier cette prostituée, Sonia Rodriguez. Non faut que j'arrête de dire que c'est une prostituée... Je l’ai encore dans la peau et je pense que c’est ce qui me dégoûte de moi-même. Jamais je n’aurais cru tomber amoureux comme ça. C’était plus sympathique avec Mélanie que j’aimais retrouver parfois dans son appartement en centre-ville, et qui me permettait de faire un plan à trois avec une de ses copines étudiantes célibataires, et puis par temps de crise il faut bien partager et être solidaire. J’avais de toutes façons la réputation d’être un bon coup. Mais depuis Sonia Rodriguez, j’ai perdu la boule, j’ai perdu le goût. Mes premières pannes sexuelles. Parfois j’ai même des envies de suicide.

Toutefois concernant les femmes, j’ai toujours su que véritablement je n’en possède aucune, ou plutôt, je regrette presque de les avoir toutes aussi facilement, sachant qu’elles n’appartiennent à personne en particulier, si ce n’est à leur désir. C’est pour cela que je me refuse au mariage, je n’y crois pas. Je pense en somme que toutes ces filles ne sont au final élevées que dans des produits de beauté ou de cosmétique, obsédées par leur esthétique, et qu’elles sont l’incarnation de la vacuité et du conformisme. En somme, je suis un salaud plein de clichés sur les femmes. C’est pour cela que la mort dans l’âme, je pense que l’amour n’est pas de ce monde. Que tout n’est qu’une mascarade, une comédie. Contrairement à Balzac qui en avait fait la matière première de son œuvre, et qui rêvait de sa princesse Hanska. Pff, foutaise. C’est pour cela que je les considère comme des putes, rien de plus, et pourtant je m’en veux de les aimer autant, du moins leur corps, leur odeur. Je n’arrive pas à m’en passer. Comme des proies entre mes mains, où j’aime ressentir surtout les battements de leur cœur. Je pourrais leur briser la nuque comme dans Des souris et des hommes, et assouvir mes pulsions les plus morbides, et j’essuie ces mauvaises pensées en fumant des clopes et en travaillant davantage, pour oublier Sonia Rodriguez… du moins c’est comme cela qu’elle se faisait appeler, et je préfère dire cette dame... Pour revenir à Sonia Rodriguez, c’était une dame très discrète que je prenais toujours au même endroit et à la même heure, pour la ramener chez elle. Une classe comme jamais, et ce côté exotique et torride typique des Latinas. Ces yeux, de magnifiques yeux noirs, me suivent encore dans mes insomnies comme un totem, comme un spectre, où j’ai l’impression d’être Wilson dans 1984, suivi par l’œil. Je crois que personne ne m’a marqué autant. Sonia, Sonia, Sonia, Sonia, je pourrais égrener son prénom à l’infini, genre de mantra… et la rage et la culpabilité associées à ce prénom. Pourquoi culpabilité d’ailleurs ? L’amour ou plutôt la passion n’a pas de frontière, comme une inondation qui traverse la moindre faille, il n’y a plus d’étanchéité entre classes sociales ou de distinction raciale, comme un fléau, un virus mortel. Je comprends maintenant la symbolique du carnaval au Brésil ou ailleurs. Dire que même certains SS étaient tombés amoureux de leur captive juive. Même le bourreau peut tomber amoureux de sa victime. Terrible. Et en l’occurrence la victime c’était moi. Elle me tenait dans ses filets comme une araignée, en faisant rouler ses yeux comme des billes. Ses yeux magnifiques et grandioses, amplifiés par le mascara. J’en ai eu des clientes, de tout âge, j’en ai vu des femmes. J’en ai baisé quelques unes dans mon taxi. Il y en avait même une qui m’avait gratifié d’une succession d’orgasmes, une vraie fontaine. Et les sièges tout trempés. C’était jouissif, de l’eau bénite. Je souriais comme un illuminé devant ce con offert et arrosant tel un feu d’artifice, ce souvenir reste l’une de mes plus belles parties de jambes en l’air. Mais ce que proposait le regard de Sonia, c’était autre chose, quelque chose de plus profond, de plus mystérieux, de plus torride, de pas humain. Même le volcan du Kïlauea à côté passerait pour une vulgaire fonderie à côté de ces yeux là. Jamais le silence, jamais cette fixation, ne m’a paru plus intense, plus interminable, plus insoutenable que tout ce que j’ai vécu dans ma vie. J’avais l’impression qu’elle tenait mon âme entre ses mains. Sonia Rodriguez. Et sa voix ! Un ange ou un démon. Ensorcelante de volupté, androgyne. Ces voix de femmes sorties des âges ancestraux, mi-femme mi déesse. Et ses mains comme celle du joueur de Zweig dans Vingt-quatre heures d’une femme, jouant avec son portable, ouvrant et fermant son sac. Manucure parfaite, et vernis à ongles hypnotiques. J’étais George Michael dans Father Figure et elle la ténébreuse femme fatale de noir vêtue. C’est dingue comme une femme en s’habillant classe, et en portant un tailleur sexy, et en laissant voir légèrement son porte-jarretelles peut avoir comme effet. Tout dans le jeu de jambes qui se croisent et se décroisent : effets garantis. Je regarde la route, mais je regarde beaucoup et souvent le rétro intérieur. Mon coude calé sur la portière, la trajectoire presque en mode pilotage automatique, l’habitude ou le métier. Tout le temps de m’imprégner des moindres faits et gestes, des moindres détails de ma cliente, du moindre battement de cil.

J’étais obsédé par cette inconnue, je connaissais son numéro de téléphone par cœur. J’en suis même tombé amoureux. Fou, fou comme le fou d'Amok. J’imaginais le métier qu’elle faisait, sans surprise je l’avais deviné. Mais je me disais qu’une femme reste une femme, et en dehors du travail même pour le métier le plus vieux au monde, elle avait aussi des sentiments, un cœur, une âme, des rêves, une histoire. Les seules indications qu’elles me donnaient c’était invariablement le retour à son domicile avec une valise à roulettes. Du moins c’est ce que j’ai toujours cru. Et puis je me suis imaginé qu’elle travaillait dans la mode ou dans la haute couture ou peut-être même le théâtre ou dans un cabaret. Une artiste comme moi. Et j’essayais en vain de trouver une trace de ses spectacles sur le Net, mais rien. Pas de profil Facebook ou autres, pas de photos d’elle. Rien. Cette femme m’intriguait au plus haut point. Comment j’ai su qu’elle s’appelait Sonia, en l’ayant aidé à poser ses bagages sous le porche. Elle avait sonné sur Sonia Rodriguez, et un type est descendu monter ses bagages. Peut-être son majordome, peut-être son père, peut-être son proxénète. J’étais jaloux, furieux que cet homme puisse avoir l’exclusivité et la chance de lui parler, de l’approcher, de lui faire même l’amour. Et mes yeux devenaient de plus en plus brûlants de désir et elle le sentait, elle le savait. Je le lisais sur le coin de son sourire, elle avait compris: "à bientôt!" qu'elle m'a lancé. J’étais fait, j’étais possédé, un pantin, une marionnette.

Puis un soir, la ramenant comme tous les vendredis soir chez elle, n’y tenant plus, sur le point d’éjaculer dans mon pantalon en toile prêt à craquer, elle m’ordonna, « arrêtez-vous ! Venez m’aider à enlever ma ceinture, je n’y arrive pas ». Comme si elle avait instinctivement sentie mon irrépressible envie. C’était un parking très discret, il n’y avait personne, et les lumières blafardes ressemblaient à des bouts de cigarettes mal éteintes. Je suis sorti de la voiture, il pleuvait assez fort. Sonia souriait d’un rire carnassier, l’incarnation de la gourmandise dans l’expression de ses lèvres. Et j’ai ouvert la porte, et j’ai senti son parfum, ses seins m’effleurer, son souffle me caresser le cou. Et elle a porté sa main sur mon entre jambe négligemment comme pour faire un geste qu’elle n’aurait pas maîtrisé ou pour prendre son sac à main. Et là, l’univers entier avait basculé, on s’est embrassé et j'ai éjaculé dans un râle étouffé. C’était même encore plus fort, si je pouvais je lui aurais mangé la langue, j’avais envie de traverser sa tête, son âme, de lui faire l'amour là maintenant. Et nous sourions comme des enfants, ce n’était pas volontaire, c’était d’émotion. Et ses yeux chaviraient loin au large, et moi avec. Pire que tous les alcools et que toutes les drogues. Sonia, Sonia, du moins c’est comme ça que je l’appelle. Jamais elle ne m’a confirmé son nom. Je ne lui ai pas demandé. C’est mieux comme ça. Une fois arrivé à l’adresse, comme d’habitude, elle m’a fait un geste de la tête pour me dire de l’accompagner. Et c’est ce que j’ai fait, sans un mot, en montant ses bagages. Maintenant, j’en suis sûr, c’est une hôtesse de l’air ; ou une femme d’affaire. Elle avait trop la classe pour être une prostituée. Elle m'a souhaité bonne soirée et m'a laissée sur le palier de l'immeuble en s'excusant, parce que des amis l'attendaient. Et Elle m'a dit: "A bientôt je l'espère".

Et puis Sonia, le vendredi suivant, sans dire un mot, m’ordonna encore une fois de m’arrêter. Je l'ai rejoint, ça devenait un rituel. On s'embrassait comme des affamés. Sauf que cette fois-ci je ne sais plus comment je me suis retrouvé mon vit entre ses mains, et elle suçait divinement. Ni trop rapidement, ni trop lentement, mais à un rythme de métronome, tout en me fixant tel un serpent droit dans les yeux. Ces yeux qui rêvaient de ça depuis quelques temps. La langue douce et soyeuse, et ces mains à calmer les plus coriaces fauves enragés et affamés. Je n’avais pas envie de décharger dans sa bouche, et dans un geste d’acquiescement elle prit un mouchoir dans son sac et le mit au bout tout en continuant des va-et-vient de l’autre main. Et j’ai eu l’impression d’être en apesanteur. Jamais je n’avais ressenti cela, même avec la russe bombasse, ni avec les plans à trois avec Mélanie qu’il m’arrivait parfois de rencontrer ces temps-ci ; et malgré les invitations incessantes de mon ex Mélanie, elle comprit que je réagissais bizarrement et qu’il y avait une autre femme, et les femmes savent reconnaître cela dans nos gestes, dans nos expressions, dans nos regards: comme un type abattu, résigné, perdu, la corde autour du cou, un mort en sursis. Et dans la pénombre de l’appartement, Sonia et moi sans un mot on s’est embrassé tout le long du hall d’entrée, puis à essayer de tenir tant bien que mal contre les murs du couloir, jusqu’à la chambre. Nos corps comme attirés par la pesanteur décuplée, étaient comme deux aimants traînant contre une paroi métallique. Et puis dans le noir on s’était à peine déshabillé, et elle me guidait avec ses mains, prenant les initiatives et le contrôle, ça se sentait c’était une femme de pouvoir, une femme qui aime donner des ordres. Et dans un cri d’orgasme, nos yeux encore une fois embués de larmes, j’étais en extase, en plein rêve. Sonia s’est excusée pour aller aux toilettes, et la porte entre-ouverte je l’ai vu debout pisser ! Et pris d’un doute, mon cœur s’est mis à battre la chamade. Elle riait. Et je ne sais pas si c’était le bout de sa ceinture ou bien autre chose, elle s’amusait avec tout en pissant. Et je me suis levé précipitamment, et j’ai dévalé dans l’appartement, en renversant quelques chaises. Jamais je n’avais pris la fuite de cette façon. J’étais comme ces types inquiets, haletants, qui regardaient de partout autour d’eux comme des fous furieux. Et j’ai démarré et je ne l’ai plus jamais revu. J’ai même tenté de retrouver son appartement, et il appartient en effet à une certaine Sonia Rodriguez, et personne ne sait qui elle est. D’autres rumeurs disent que cette femme serait un transsexuel du bois de Boulogne. Un iranien du nom de Hadavi Javad. Un de mes potes pense que j'avais rencontré la femme de ma vie, sauf que manquant de sommeil mon imagination m'a encore joué des tours. Et il n'y a pas un jour où je ne pense pas à Sonia, espérant désespérément la retrouver et de lui donner des explications. Bien sûr son numéro de téléphone n'est plus attribué, et plus personne ne va à cette adresse, hormis un vieux couple. J'essaie de leur poser des questions sur Sonia dans un mauvais espagnol, mais ils me disent que c'est leur cousine qui est morte il y a quelques semaines de cela et que l'appartement allait bientôt être vendu. Depuis pas un jour, pas un jour ne passe sans regretter, rongé par les remords... Et mes doutes commencent à s'estomper mais à quoi bon. Ce qui est sûr c'est que j'ai aimé Sonia Rodriguez comme jamais je n'ai aimé aucune femme. 

 

Zahra Djam.    

 

 

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