L'ex-Gigolo…

(Partie 2/2)

 

 

« Un certain Hajj Ben Youssef était un homme discret au charisme impressionnant, dès que nous arrivâmes à l’entrée du village, il était là accompagné de l’un de ses deux fils. La plupart des touristes les prirent en photo : le troupeau, lui et ses fils, comme une image d’Épinal ou ces vieux clichés de l’époque coloniale que l’on ramenait des expositions ou des zoos humains de France. C’était le début de la transhumance estivale, celle où ils ramenaient leurs bêtes tout là-haut dans leurs terres délimitées par des murs de pierres afin qu’elles ne s’échappent pas, et restent tout l’été à manger des fourrages, des balles de foins, ramassés plus tôt lors du passage de la moissonneuse batteuse. Et c’était la période où ces garçons et ses filles les plus âgées, pouvaient partir travailler au village pour profiter de la manne touristique. Le guide nous expliqua que ce monsieur était l’un des plus grands et plus riches exploitants de brebis. A vrai dire, il était moins riche que les villageois qui vivaient du tourisme. Il avait acheté quelques hectares au plus haut des plateaux habitables, construit une belle maison de pierres, s’était marié avec une fille du pays et eut de nombreux enfants. On ne connaissait pas grand-chose de ses origines, de sa vie antérieure, avant son arrivée au pays. Il parlait l’arabe avec un drôle d’accent dit-on. Certains disaient qu’il était d’origine turque, en tous cas il faisait européen. Ce qui est sûr, c’est qu’il était musulman, ne ratant pas une prière et où qu’il fût, qu’il eut de l’eau ou non à disposition, il trouvait toujours moyen de s’ablutionner, même avec de la terre sèche ou une pierre polie par le soleil comme cela est autorisé par la tradition musulmane. Vêtu de son gilet de laine, une barbe bien fournie, un bâton de berger à la main, en le voyant on pouvait facilement imaginer les prophètes des temps anciens. On disait que c’était un saint. Certains lui apportaient des offrandes qu’il refusait poliment ou qu’il partageait avec eux lors du repas. D’autres lui demandaient qu’il leur lise du Coran. On dit qu’il avait la baraka, qu’il rapportait chance et bonheur depuis son pèlerinage à la Mecque.

« Le Hajj Ben Youssef parlait peu. Il scrutait l’horizon de ses yeux bleus azurs. Il regardait son troupeau, ses chiens, et ses enfants avec un sourire en coin. Les deux plus grands, Amar et Youssef lui étaient d’une grande aide, maintenant que le Hajj avait pris de l’âge et qu’il était un peu plus fatigué qu’avant. Mais ceux-ci voulaient-ils continuer l’œuvre de leur père ? Etre berger c’est une vocation. Eux ne rêvaient que d’occident, que de partir à l’étranger. Et ce que le Hajj Ben Youssef ne savait pas ou qu’il feignait de ne pas savoir, c’était le faite que tous les jeunes gens du village ainsi que ces fils se donnaient à la débauche et à l’ivrognerie et ses filles à la danse traditionnelle pour arrondir leurs économies, que les faibles et maigres récoltes ne suffisaient pas à combler. Et ils n’étaient pas les seuls, car la majorité des jeunes gens du village rêvaient de tomber sur un ou une touriste occidentale qui consentirait à les épouser et à les emmener en Europe. Bien sûr, le Hajj Ben Youssef comme beaucoup de parents disait innocemment à tout le monde, que pendant la période touristique, ses enfants partaient au village seulement pour y travailler en vue de profiter de cette manne. D’ailleurs c’était grâce à cet argent qu’il put effectuer son pèlerinage à la Mecque. Il savait qu’il y avait du tourisme sexuel, mais jamais il ne se douta que ses enfants puissent y prendre part, surtout ses fils qui travaillaient d’arrache-pied, et ses deux filles à la fleur de l’âge tout juste du haut de leurs quatorze et quinzièmes années, mais je ne le savais pas encore. Tout cela, c’était le guide qui nous accompagnait qui me le conta par la suite...

_Je trouve que tu es bien renseigné sur ce Hajj Youssef, coupa Gigi.

_Oui, rétorqua Octavio. Laisse-moi continuer ma sordide histoire, tu vas comprendre. Lors d’une soirée on nous servit des plats typiques, tajine avec de la viande de chèvre, de la pastilla au pigeon, des gâteaux sucrés dont les fameuses cornes de gazelles et autres makroud au miel et à la figue, et du meilleur vin du pays qui coulait à flot ; les musiciens accoutrés à la façon traditionnelles jouaient des airs locaux à l’aide de leur tambourins en peau de chèvre et d’un violon que le violoniste tenait d’une façon tout à fait singulière, posé à la verticale sur la cuisse et donnant des coups d’archer à la façon des cowboys, comme un air de country mais avec des voix berbères sopranos, et entourés d’une quinzaine de jeunes demoiselles qui dansaient en rang et chantaient en chœur, toutes de blanc vêtues telles des pétales de lumière ou des anges venus de tout l’univers.

« J’étais un peu dans les vapes, l’effet de l’alcool du hachich et l’accumulation de la fatigue y aidant, et je commençai à m’assoupir. Le guide continuait à sympathiser avec moi, du fait sûrement que je paraissais plus riche et plus distingué que les autres touristes ou convives. Les jeunes filles riaient avec un large sourire en me lançant des regards espiègles. Il le remarqua et me dit :

_Elles cherchent les petites putains.

Je fus à demi choqué par une telle insinuation. Peut-être je ne voulus pas le croire, parce que j’avais du mal à imaginer que des habitants d’un tel lieu quasi paradisiaque, entourés de montagnes, de verts pâturages, de troupeaux, aux regards si nobles et si purs, pouvaient tombés dans ce que les grandes villes avaient de plus vicieux.

_Quoi ? Tout de même pas à cet âge-là ! Dis-je à moitié conscient au bédoin.

_Vous n’avez pas idée, dit-il sur un ton sadique. Pour 20 Euros, vous pouvez vous offrir celle que vous voulez. Elle ira tout de suite vous rejoindre à votre tente.

Je fis celui qui innocemment ne voulait pas le croire, comme pour lui lancer un défi de m’en envoyer une. Il le lut dans mon regard.

_Voyons ! C’est impossible ! Lui rétorquai-je faussement.

_Oh si, si ! Vous ne saviez pas comment ça se passe ici, reprit-il. Vous devriez le voir et le vivre par vous-même. Vous pouvez même en choisir plusieurs, vous verrez, quand elles arrivent et se dénudent, vous avez l’impression d’être au paradis. Toute cette fraîcheur, toute cette jeunesse !

_Vous me dites qu’elles ont toutes dix-huit ans. Vous me garantissez qu’elles ne sont pas plus jeunes ! Demandai-je à moitié endormi, pour me donner bonne conscience. Car biologiquement parlant, les filles à quatorze quinze ans sont déjà mûres pour la chose. D’ailleurs aux Etats-Unis elles sont toutes déjà maman à cet âge-là, pensai-je. De plus, notre Casanova national n’a-t-il pas défloré des jeunes demoiselles du même âge ?

_Pourquoi me dis-tu cela Octavio, m’écriai-je dégoûté.

_Oh, ne m’en parle pas, murmura Octavio avec un profond accent de culpabilité. En effet, tout commença sous les meilleurs auspices. Ereintés par le voyage, on nous proposa de dormir dans des tentes traditionnelles typiques, fabriquées avec de la laine de brebis ou de mouton. Mais celles-ci étaient aménagées en appartements de façon à satisfaire le goût et le confort des touristes, car il y avait tout le luxe nécessaire, salle de bain avec jacuzzi, pots-pourris, bougies, encens. Je fus un peu déçu, moi qui voulais un peu d’authenticité.

« Je m’endormis quelques heures, et au milieu de la nuit, je sentis de petites mains me caresser. J’étais entouré par une foule de jeunes adolescentes nues. Elles s’accroupirent à mes pieds et se frottèrent à moi de tous côtés. Je remarquai avec incrédulité, qu’il y en avait dans le tas qui n’avaient tout juste que quinze ans, voire moins, les seins en petites pointes à peine formés. Le salaud de guide m’avait un peu menti.

« Toutefois, j’aimais leur folle espièglerie aussitôt que je voulus les saisir, la hâte rieuse avec laquelle elles s’enfuyaient en courant, leurs misérables mains posées sur leurs seins comme si elles voulaient cacher le peu de vertu qui leur restait, et l’incroyable changement qui se produisait sur leurs visages : de mélancoliques, ils devenaient soudainement bienheureux, tout en me lançant des « Dini Euroba ! Dini Euroba ! Dzawouj Bya ! » (Emmène-moi en Europe ! Emmène-moi en Europe ! Epouse-moi ! ». Je n’y comprenais rien, ce n’est que le lendemain que j’ai demandé la traduction au guide, que j’en fus attristé. Mais sur le moment, sous l’effet de l’alcool et du hachich, je crus qu’elles voulurent que je les prenne toutes, d’un brusque coup de bite. J’aimais leurs gestes vifs, les petits doigts avec lesquels elles montraient leur bouche, leur vulve, et avec lesquels elles me caressaient et me masturbaient, lorsque je fus à mon tour totalement nu, et qu’elles me déboutonnèrent de leurs petites mains. Lorsqu’elles faisaient mine de me négliger ou de laisser le relais à la suivante, j’étais malheureux et je me mettais de moi-même à la recherche de celle qui me m’avait le plus marqué. J’aimais les petites ruses qu’elles usaient pour attirer mon attention. L’une d’entre elles se distinguait davantage des autres, de par sa beauté et sa fraîcheur. Elle avait des cheveux de couleur châtain qui viraient au blond, une peau blanche légèrement cuivrée, et des yeux d’où je pouvais voir le ciel des montagnes, bien qu’elle fût tout aussi jeune, elle me parut être la plus âgée. Elle m’embrassa avec une certaine maladresse, telle une ingénue ou une vierge effarouchée. Lorsque je me mis à la pénétrer, son visage devint indiciblement terne comme s’il allait vraiment s’effondrer de tristesse. Elle continua en sanglotant « Dini Euroba ! Dini Euroba ! Dzawouj Bya ! », mais le ton n’était plus le même. Et les autres filles intervinrent, prirent le relais et me chevauchèrent les unes après les autres, jusque je fusse tombé dans un état semi-comateux et que mon sexe ne répondit plus. Elles dormirent près de moi, jusqu’au petit matin, sauf celle que j’avais goûté en premier. Le matin au réveil, je leur remis à chacune cinq cent dirham ou l’équivalent de cinquante euros, leur visage s’illumina à nouveau. Puis, après m’être douché et relaxé au jacuzzi, je m’enquis de ses nouvelles. Le guide m’expliqua que c’était l’une des filles du Hajj Ben Youssef que j’avais défloré, et qu’elle était véritablement vierge. Et surtout qu'elle n'avait pas encore dix huit ans! Une colère inouïe s’empara de moi, je voulus frapper le guide, « une vierge c’est sacré ! Des filles qui ont l’habitude, qui se prostituent d’accord, mais une vierge ! Elle aurait dû faire cela avec son premier amour, et non pas avec un inconnu ou un touriste et une vermine, un foutu gigolo comme moi ! ».

« Puis à la sortie du village, je croisais encore ce fier et majestueux Hajj Ben Youssef, mais je ne pus cette fois-ci soutenir longtemps son regard, car une honte indescriptible avait envahi mon âme. Je me sentis comme l’être le plus vile de la terre.

« Puis les kilomètres et la beauté du paysage faisant, ce sentiment de culpabilité me quitta. On voulait du dépaysement, on l’avait : l’immense désert à perte de vue était là sous nos yeux ébahis. Il y avait d’autres touristes de différentes origines. Moi qui ne voulais voir que des autochtones, c’était raté. Les bédouins étaient partis plus à l’ouest, la fin du printemps annonçait les premières chaleurs torrides de l’été. Mais on nous avait promis une autre façon de passer des vacances, inoubliable ! juraient-ils. Il y avait des gorges d’une profondeur inouïe, et en face, le désert à perte de vue : ce fameux Sahara. Des fois j’avais même peur qu’on nous tende un guet-apens. Tu sais, avec toutes les prises d’otages, le terrorisme, on n’est jamais vraiment sûr de rien. Il y avait des petits oueds totalement asséchés avec des lauriers tout autour, on aurait dit le dernier bout de paradis avant l’entrée en enfer, celui du Chargui que l’on appelle chez nous Sirocco, vent très chaud voire brûlant qui comme un four vous envoie toute sa chaleur sèche et torride.

« Malgré la chaleur et le soleil écrasant, on était enthousiaste.  On était une quinzaine là à attendre. Le guide nous rassurait. Puis, nous primes la route quelques 100 kilomètres plus au sud, le trajet semblait interminable, malgré la climatisation des jeeps.

« Au loin, sous l’effet de la chaleur, un mirage commençait à se profiler, comme un serpent qui ondule sous l’effet du charme. Des taches brunes s’approchaient, de la taille d’une montagne. Mais qu’est-ce que cela pouvait-il bien être ? Les allemands et les anglais, à mes côtés, commençaient à s’exclamer dans leur langue, et les asiatiques prenaient une rafale de photos. On était descendu au pied d’un genre de canon ou de butte. Et moi, au milieu d’eux, je gesticulais, comme pour écarter le mauvais sort ou je ne sais quelle bestiole qui tournait autour de moi. Je commençai à bondir et à crier, « Madre mia ! » Un serpent de type cobra se tenait là, majestueux, tout noir de couleur, se dressant droit et immobile, la peau scintillante. Et je ne sais pas pourquoi, je fus hypnotisé par sa beauté et de frayeur aussi. Le guide nous conseilla de nous en éloigner, de nous écarter. Et moi, j’avançais inéluctablement vers lui, comme fasciné. Tout le monde me rappelait à la raison, de ne pas m’en approcher. J’étais à vingt centimètres de lui, et il me planta ses crochets au niveau du gland de mon sexe, et la douleur me fit crier toute la détresse de mon âme.

_Aïe, aïe, aïe ! m’écriai-je m’imaginant à la place de mon ami.

_Plus tard, j’ai pensé que cela était un sort ou une malédiction que m’avaient lancé le Hajj Ben Youssef et sa fille. Un des bédouins organisateur de l’expédition se rua sur moi, déchira mon pantalon et mon caleçon comme s’il allait me violer. Un deuxième me plaqua au sol. Et enfin un troisième prit le serpent à l’aide d’un bâton et le jeta un peu plus loin ! C’est pour dire qu’ils savaient ce qu’ils faisaient. Pendant que j’étais plaqué au sol, celui qui m’avait déchiré les habits me fit un garrot à la base des testicules pour arrêter la circulation du sang et des incisions à l’endroit de la morsure. Mon sexe était tout violet et à la vue de tous. Et il suça au niveau du gland comme les jeunes filles de la veille, sauf que cette fois-ci c’était pour extraire tout le sang contaminé par le venin mortel. Tu parles, les japonais ou les chinois qui étaient présents, ils n’en ont pas raté une miette. Ils ont tout filmé et tout photographié, la vidéo a été partagé plus de milliers de fois sur Youtube. Je suis sûr qu’ils doivent donner des cours dans leurs universités sur comment intervenir pour sauver quelqu’un d’une morsure de serpent. Ou peut-être ma photo est déjà dans les livres de médecine. Ma ! Tu sais, j’étais mal à l’aise, gêné, ridiculisé. Oui à ces moments-là, on a le sexe tout renfrogné tout petit, et je pensai « mon dieu les japonais ils filment tout et ils vont en faire une vidéo. Ma réputation d’étalon est foutue si ces images arrivent en Italie ! »

« Puis, j’ai eu un voile jaune, une sorte de vertige. J’ai eu de la fièvre. Je ne me souviens pas bien. Les autres touristes n’étaient plus là. J’ai eu beaucoup de fièvre. J’ai failli mourir m’a-t-on dit. Heureusement que ces bédouins prirent soin de moi.

« Et durant mon délire j’ai vu le diable en personne. Et sais-tu qui il est ? Non ?

« J’ai compris que le démon c’était moi-même. Une voix intérieure me parla. C’était peut-être aussi ma conscience, je ne sais pas. Elle me disait « Octavio tu vas mourir tout seul. Tu ne vas manquer à personne. Même ta propre mère ça fait longtemps qu’elle a jeté l’éponge. Tu ne vas jamais la voir. Personne ne t’aime. Tu n’aimes que toi-même. La voix riait aux éclats. Puis elle continuait. Elle me citait toutes mes ex et la façon comme elles ont vécu mes trahisons, ma lâcheté, mes mensonges. La voix m’apprit des choses sur mes ex-conquêtes que je ne savais pas. Sur le coup, je me dis c’est la fièvre qui me fait délirer. Puis, au fil des jours, une fois retourné au pays, la curiosité me commanda de vérifier. Et le plus troublant c’est que tout ce qu’elle m’avait décrit était vrai. Maria, tu sais la brune aux gros seins et à la bouche pulpeuse, à cause de moi elle a fait une dépression et est devenue lesbienne. Angelina se venge sur tous les mecs mais est tombée dans l’alcoolisme. Alexia est devenue obèse, elle aime le sexe et la bouffe. Francesca qui faisait mannequin, longiligne, très mignonne mais anorexique, a fait des tentatives de suicide. Aujourd’hui je suis marié à elle et elle m’a fait deux beaux enfants. Tu sais, tu réfléchis après la morsure d’un serpent, lorsque tu frôles la mort. Je me disais, après tout ça, je n’aurais même pas eu d’enfants, de descendance. Tu imagines ?

« Quand je suis sorti indemne de cette histoire, j’ai repensé à ce que m’avait dit la voix. Je suis allé voir toutes mes ex et elles étaient dans l’état que m’avait décrit cette voix intérieure. J’ai fait ce que je n’avais jamais fait auparavant. Je me suis excusé. J’ai même pleuré avec elles. Mais celle qui m’avait le plus touché c’est ma femme. Elle m’a raconté sa vie et je me suis reconnu en elle. Elle s’est rendu compte, tout comme moi, que si elle mourrait personne ne la pleurerait et ne s’en rendrait compte. Qu’elle plaisait aux hommes, mais qu’ils passaient comme des fantômes, qu’ils la hantaient, qu’elle n’était pour eux qu’un objet sexuel : une mannequin internationale ou un fantasme. Un trophée qu’ils exhibaient fièrement, comme nous faisions nous aussi avec toutes nos conquêtes, tu le sais. Qu’elle ne se supportait plus, qu’elle se haïssait. Je l’ai réconforté et puis petit à petit un véritable lien s’est créé entre nous jusqu’à devenir un amour sincère.

« Je sais, je te connais. Je sais à quoi tu penses. Quand je te vois, j’ai l’impression de me revoir quelques années auparavant. Tu te dis, « Ah, si je pouvais tomber sur ces photos où l’on voit la petite bite d’Octavio toute fripée devant la mort alors que tout Rome l’appelait l’étalon, je détruirais cette légende, cette réputation ; Ah, Octavio est devenu une fiotte, un romantique, pour finir daron et gras du bide. Hein c’est ça ? Oui tu rigoles. C’est ça. Et bien saches que j’en ai plus rien à foutre de la réputation et de ce milieu où l’on se refait la face à coup de lifting et le bronzage à coup d’U.V. Dis-leur bien de ma part Octavio di Baggio vous emmerde. Il est devenu un homme heureux. Restez seuls dans vos soirées de faux amis, de faux seins, de fausses lèvres. Entourez-vous de profiteurs. Bercez-vous d’illusions. Le temps passe mon ami. Excuses-moi, ma femme m’appelle. Ciao l’ami. »

Et il partit la rejoindre. Je vous avoue que son histoire m’avait cassé le moral. Et le soir même, je voulais m’envoyé en l’air avec deux jeunettes, sauf que je bandais mou et le matin j’avais mal au dos. Je crois qu’un jour pour moi aussi il sera temps de me caser et que je me trouve une histoire à raconter. Ces soirées partouzes et autres party de tous genres ne seront bientôt plus de mon âge. D’ici là, pourvu que les deux bimbos d’hier soir ne se soient pas moquées de moi, parce que la rumeur de ma panne sexuelle aura vite fait de circuler ; même si j’ai trouvé un palliatif avec des gadgets et autres godmichets.

Quelques années plus tard, Octavio retourna avec toute sa famille dans cette région du sud marocain. Et son fils s’écria alors, « Papa ! Papa ! Regarde ce berger, regarde ce berger ! Il a la même tête que toi ! ». Et Octavio constata en effet que cet adolescent lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, il avait le même physique, la même chevelure, et les mêmes yeux. Octavio pris de stupeur, accéléra un bon coup, et répondit : « C’est vrai fiston, on dirait… mais saches que les berbères ont des origines romaines ». Et sa femme de lui demander, « Tu n’avais pas dit qu’on allait louer un hôtel dans ce village, celui-là même où tu disais que ta vie avait changé ? » Et Octavio de répondre confusément, « Ce n’est pas celui-là. Tu sais les noms arabes ce n’est pas mon fort, ils se ressemblent tous. J’ai dû confondre. En fait, le village était plus loin, Aït… je ne sais plus quoi… cela fait si longtemps.
_Pourtant chéri, tu avais l’air de t’en souvenir à Rome. Tu étais formel.  

_Tu sais, la mémoire n’est pas infaillible. Je dirais même qu’elle est traîtresse. »

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